toute la collection   

Cahiers du Cinéma
15/03/01



 en savoir plus sur SELON MATTHIEU
 en savoir plus sur Xavier Beauvois
 retour
Selon Matthieu, mal aimé à Venise
Un père est abusivement licensié de l'usine où il a travaillé pendant trente ans, puis meurt renversé par une voiture. Pour le venger, son fils Matthieu essaie sans succès les démarches classiques (syndicats, etc...), puis essaye de séduire Claire (Nathalie Baye), la femme du patron, s'imaginant qu'ainsi il baisera le patronat. Il réussit et finalement renonce. N'oublie pas que tu vas mourir, le précédent film de Xavier Beauvois, était jusqu'au boutiste. Selon Mathieu traite de l'impossibilité d'aller jusqu'au bout.
Matthieu croit trouver un pur cliché. Il forme son plan, sans penser que le fantasme joue dans les deux sens. La bourgeoise, en fait, se paie autant un beau jeune homme, que le beau jeune homme une bourgeoise. Avec cette différence énorme que Claire a les moyens de rêver sans y mettre plus que le simple plaisir pris à ce rêve, auquel elle ne donne à aucun moment le nom d'amour. Ainsi, elle échappe sans cesse à Matthieu qui a oublié que la (grande) bourgeoisie possède plus que l'argent, l'imaginaire lui-même. Claire n'est pas une image : elle a la maîtrise de toutes les images, de tous les discours (y compris celui de la révolte désormais vouée à l'échec).
L'important n'est pas de le discours désabusé, le constat d'impasse, mais l'articulation entre le projet de Matthieu, celui de Claire qui l'enveloppe et le déstabilise, le sec rappel à l'ordre de la mise-en-scène et du montage. L'enchaînement des plans, très tôt, avertit le spectateur. Matthieu commence à séduire Claire, puis couche avec sa copine. Un rêve de puissance le fait, très trivialement, retomber en petite enfance. La mise en scène est d'autant plus posée, terre à terre, que tout se situe dans les têtes. On fait admirer une maison qui n'est pas encore bâtie.
Mathieu, toujours au centre et vêtu de sombre, les mains s'attardant sur l'épaule ou dans le dos des siens, se vit comme le ciment d'une communauté prolétaire dont tout le monde a perdu le souci. Benoît Magimel qui l'incarne, est superbe. Il y a du De Niro en lui.
Selon Matthieu est un beau film sobre. Inexplicablement, il s'est attiré autant de mépris et de colère qu'il y a cinq ans N'oublie pas que tu vas mourir .

contact@whynotproductions.fr
13 rue Victor Cousin Paris V
cinemadupantheon@yahoo.fr