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Les Echos
18/04/01



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Une femme et un homme, une petite musique
Annie Coppermann

Elle est mariée, elle a deux beaux enfants, elle semble heureuse, belle aussi, et dans le taxi qui la mène à l'aéroport, elle sourit. Elle a décidé d'aller chercher son mari, qui revient d'un voyage d'affaires. Mais il n'est pas dans l'avion. Et, à l'hôtel où elle appelle, on lui dit qu'il est sorti "avec Madame". Coup de tonnerre. Il la trompe. Elle s'effondre. Ou plutôt, elle plonge. Dans l'inconnu. Dans l'aventure, aux antipodes de ce qu'elle était, de ce qu'elle faisait jusqu'alors : elle aborde un inconnu, en jean et blouson, qui mange un sandwich dans l'aéroport désert. Et lui demande de prendre un verre avec elle.
Un premier film, c'est toujours émouvant. Celui-ci l'est d'autant plus que sa réalisatrice, Solange Martin, est très jeune, très sympathique et assez audacieuse. Son scénario tient en trois lignes : une femme trompée, à la dérive, se raccroche par réflexe de noyée à la présence d'un homme avec qui elle n'a rien en commun. Deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer passent une nuit ensemble. De bistrots en boîtes, jusqu'à un petit hôtel, bien sûr. En passant par une station service, beaucoup de trottoirs déserts, le service d'urgence d'un hopital, une épicerie qui ferme très tard...
Paris la nuit, le Paris des paumés, des solitaires, des copains éméchés, des émigrés frigorifiés : un Paris des clichés sans doute, mais que Solange Martin sait incontestablement faire vivre avec intelligence et tendresse, nous offrant même, avec un vieux Noir, un vrai moment de grâce autour d'un thé vert à la menthe.
Cliché aussi que le scénario, cette rencontre, dont la réalisatrice laisse astucieusement la fin ouverte, entre une bourgeoise des beaux quartiers quasi quadragénaire et un jeune homme un peu fruste, ancien rugbyman du Sud-Ouest devenu homme à tout faire à Roissy, mais plus fin bien sûr qu'on ne pouvait le craindre : c'est l'impossible et pourtant certainement tendre rencontre, on n'en doute pas une seconde, du berger et de la princesse blessée... On n'attend pas de véritable surprise. On a raison. Pourtant, on reste accroché. Parce qu'il y a là de jolis moments de vérité et aucun effet de mélo. Et parce que les deux interprètes sont formidables, Bruno Todeschini, issu de l'école de Patrice Chéreau à Nanterre, déjà repréré notamment dans "Couples et amants" et "Petits arrangements avec les morts", et, souveraine dans sa fragilité presque muette, Clémentine Célarié. Certes, ce n'est jamais qu'un (joli) petit film-téléfilm. Mais on peut être sensible à sa très frêle petite musique.

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