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02/07/07



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ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN MUNGIU (4 MOIS, 3 SEMAINES ET 2 JOURS)

4 MOIS... est avant tout une histoire de choix personnels. C'est aussi une histoire sur les conséquences subtiles et souvent invisibles de l'endoctrinement. Elle parle d'amitié, de responsabilité et d'amour. Mais c'est principalement une histoire sur l'avortement, à une époque où cela était considéré comme un acte de liberté et de protestation contre le régime communiste qui interdisait l'avortement afin d'augmenter la main d'oeuvre disciplinée.

Je m'en souviens très clairement, j'avais vingt ans : l'avortement n'était pas un problème moral - le plus gros souci était que l'on pouvait se faire prendre. Il arivait souvent que les femmes meurent au cours de l'opération mais nous y pensions le moins possible. Nous étions si jeunes.


L'HISTOIRE

L'histoire est née d'une expérience tellement personnelle qu'on ne la partage généralement pas avec les autres. Quelque chose d'inattendu s'est passé lorsque je l'ai racontée à certaines personnes : après l'avoir entendue, il s'est avéré qu'ils avaient tous vécu une expérience similaire. Je fus quelque peu surpris de découvrir à quel point ces histoires étaient variées, dissimulées, parfois horribles. Je ne les ai pas utilisées dans le film, je m'en suis tenu à celle que je connaissais le mieux, mais elles m'ont aidé à comprendre l'étendue du phénomène.


LE SCENARIO

J'ai écrit la première version en juillet dernier. Elle était plus longue que la version finale. Elle incluait notamment la visite du père de Gabita, la seule scène qui fut tournée puis coupée au montage. J'ai décidé de sacrifier une scène importante - avec de nombreux sous-entendus sur l'influence de l'éducation parentale sur le chemin que les personnages choisissent - en faveur d'une certaine cohérence narrative. Ainsi, Otilia s'impose d'elle-même comme le personnage principal. J'ai poursuivi la réécriture pendant le tournage, en particulier les dialogues. Je réécris toujours une scène une fois que je connais le lieu de tournage et je lis les dialogues avec les acteurs. J'essaie sans cesse d'insuffler de la substance au film, comme pour les scènes avec M. bébé puis, dans la dernière partie, je laisse libre cours au thriller.


LE CONTEXTE HISTORIQUE

En 1966, une loi interdisant l'avortement est instaurée en Roumanie. L'effet fut immédiat : dès 1970, il y avait quatre nouvelles générations d'enfants, des générations plus nombreuses que celles d'avant 1966. Le nombre d'enfants dans une classe est passé de 28 à 36, et le nombre de classes dans les écoles est passé de 2 à 10. Quand je suis entré à l'école, nous étions sept Christian dans la classe - même les prénoms n'étaient plus suffisants pour tous les enfants. Rapidement, les femmes commencèrent à avoir recours aux avortements illégaux. Avec la fin du communisme, les sources faisaient part de plus de 500 000 femmes mortes à cause de cela. Dans ce contexte, l'avortement perdit toute connotation morale, et fut plutôt perçu comme un acte de rebellion et de résistance contre le régime. Après 1989, une fois le régime communiste tombé, l'une des premières mesures prises dans le pays fut le rétablissement de la légalité de l'avortement. Pendant des années, près d'un million d'avortements par an ont été pratiqués, ce qui représentait le chiffre le plus élevé en Europe. Aujourd'hui, l'avortement est encore utilisé comme un moyen de contraception - plus de 300 000 cas sont recensés chaque année.


LE CASTING

Je n'avais qu'un seul acteur à l'esprit quand j'ai écrit le scénario : Vlad Ivanov - l'acteur qui interprète M. Bébé. J'avais travaillé avec lui l'année précédente pour des publicités et j'étais impressionné par son intensité et sa force. Durant le casting, alors que je rencontrais d'autres acteurs pour ce rôle, j'étais convaincu que Vlad Ivanov était le bon. Il était capable sur le tournage de débiter plus de 10 pages de dialogues sans oublier un seul mot, avec exactement l'intonation, le ton, les pauses et la gestuelle dont nous avions convenu.

J'ai pensé à travailler avec Laura Vasiliu, l'interprète de Gabita, pour mon premier film, OCCIDENT. Mais elle avait alors un appareil dentaire et refusait de l'enlever pour le rôle. Plus tard, nous avons travaillé ensemble pour quelques publicités et elle m'a convaincu de sa capacité à émouvoir. J'avais des doutes au début du casting, car elle n'était pas assez jeune pour le rôle, mais devant la qualité de son interprétation je n'ai pas eu d'autre choix que de la retenir.

Une semaine avant le tournage, il me manquait toujours mon personnage principal. J'avais exploré toutes les pistes : j'avais vu toutes les actrices roumaines de 18 à 28 ans, et je n'avais toujours pas trouvé mon personnage. J'ai décidé de faire venir Anamaria Marinca de Londres, qui s'y est installée après avoir reçu un Bafta pour son premier film. Avec notre budget serré, il était quelque peu excentrique de payer un billet d'avion hors de prix pour une simple session de casting mais j'ai décidé que cela valait la peine d'essayer. Nous nous sommes rencontrés tard dans la nuit, et à son arrivée de l'aéroport, j'ai été décontenancé : Anamaria n'était pas du tout mon personnage. Mais le lendemain, nous avons lu des scènes ensemble : le changement était incroyable - mon personnage était en train de s'exprimer à travers ses lèvres comme si elle était possédée. Elle est impressionnante, tout le film repose sur ses épaules.


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